« Ce qui est insupportable, ce n’est pas l’euthanasie, mais la fin de vie »
« Les Mots de la fin », un documentaire réalisé par Agnès Lejeune et Gaëlle Hardy, relate le quotidien des consultations du Dr François Damas, devenu un référent en matière d’euthanasie. Le film sera projeté en avant-première au cinéma Le Parc (Liège), le jeudi 30 mars.
Dr Damas, comment est venue l’idée du documentaire ?
FD : Les réalisatrices ont déjà collaboré par deux fois avec la Citadelle et nous étions donc restés en contact. Alors que se profilent les 20 ans de promulgation de la loi « euthanasie » (le 28 mai 2022), elles se sont demandées si notre approche culturelle de la mort avait changé. Et l’idée a fait son chemin…
Une dizaine de patients ont accepté de se faire filmer. C’était aussi important pour eux ?
FD : La consultation est un véritable enjeu personnel, mais ils savent aussi que cela peut être utile pour autrui. Il ne s’agit pas de « militer » pour la loi, mais plutôt de permettre que le débat sur la fin de vie puisse se faire. Globalement, deux patients sur dix qui viennent me voir sont Français, un pays où la pratique est interdite. Donc, parler de ce qui se fait chez nous peut faire évoluer les mentalités.
Bien que ce film aborde la mort, il est pourtant très vivant !
FD : Et c’est tout à fait normal ! Les longs débats que nous avons, avec les patients et leurs proches, se font dans la « vraie vie ». On cherche à préparer au mieux le moment et que cela reste un souvenir apaisant. Ce qui est insupportable, ce n’est pas l’acte en soi de l’euthanasie, mais bien la fin de vie d’une personne. En ce sens, lorsque nous nous revoyons parfois avec la famille quelques mois après, nous sommes à la fois dans la célébration d’un événement triste et dans la remémoration d’une expérience partagée et souvent positive.
La loi relative à l’euthanasie a 20 ans. Quel regard portez-vous sur le texte ?
FD : Un regard positif. Ce n’est pas du tout un texte « technocratique », mais bien une liste des bonnes pratiques cliniques qui supposent et imposent de nombreuses consultations avec le patient, les proches, le médecin généraliste, des confrères… Si vous avez un doute, vous refuserez de pratiquer l’acte. Tout est « humainement encadré ».
Si vous en aviez la possibilité, vous changeriez quelque chose ?
FD : La déclaration anticipée qui vous permet d’autoriser le recours à l’euthanasie si votre état se dégradait et que vous deveniez inconscient. Pour moi, l’euthanasie reste un acte conscient, volontaire qui relève du malade. Dans un état d’inconscience, il appartient à d’autres de prendre la décision.
Quel est le rôle du médecin généraliste ?
FD : Il est très important ! Certains renvoient des patients chez moi, d’autres vont jusqu’au bout du processus en pratiquant l’euthanasie eux-mêmes. Si certains patients viennent directement à l’hôpital, j’ai rapidement un contact avec leur médecin généraliste qui devient donc un partenaire essentiel de la démarche. L’acte en lui-même peut être traumatisant : il faut créer un profond climat de confiance pour que cela se passe dans les meilleures conditions possibles.