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La vaccination Covid-19 pour les enfants, interview Dr J. Frère

15/02/2022

 

INTERVIEW
Dr Julie Frère, pédiatre et infectiologue (CHR de la Citadelle / CHU Liège)

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"La vaccination des enfants ne doit pas être une source d'anxiété"


Depuis quelques semaines, le service de pédiatrie de l’hôpital de la Citadelle a mis en place des consultations spécifiques pour les parents s’interrogeant sur la vaccination des enfants contre la Covid.
Le Dr Julie Frère, pédiatre et infectiologue, répond donc sans tabou pour rassurer et éviter que de mauvaises informations fassent florès.


Quand les parents vous interpellent, ont-ils déjà une idée préconçue ?
Dr Julie Frère : Pas réellement. La plupart du temps, leur question est simple : qu’en pensezvous ? Bien évidemment, la réponse n’est pas binaire et je veux donc prendre le temps de leur expliquer les différents arguments dont il faut tenir compte.

C’est-à-dire ?
JF : Ils sont au nombre de trois : le bénéfice individuel pour l’enfant, le bénéfice sociétal (pour l’ensemble de la population) et les conséquences éventuelles pour la santé de l’enfant, sans oublier une certaine forme de pression sociale car on sait que le sujet est clivant.

Commençons par le bénéfice individuel…
JF : Bien entendu, il n’y a pas une réponse unique. Mais on sait aujourd’hui qu’un enfant en bonne santé qui attrape la Covid sera généralement peu malade, rarement hospitalisé, asymptomatique ou aura des symptômes modérés.

On retrouve pourtant des enfants en soins intensifs…
JF : Il y a effectivement quelques cas où les enfants sont atteints par le syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique (PIMS ou MISC), mais c’est une complication qui reste rare. On estime que 1 enfant infecté sur 3 ou 4.000 pourrait souffrir de ce tableau.

La vaccination a-t-elle donc un intérêt sous l’angle « bénéfice individuel » ?
JF : Des données très récentes montrent que la vaccination peut protéger contre ce type de complication (PIMS ou MISC), mais effectivement, le bénéfice individuel n’est pas important car les enfants sont souvent peu inquiétés par le virus.
En tout cas, les enfants en bonne santé. Car si on parle d’enfants à risque, comme les enfants greffés ou dialysés, le bénéfice est autrement plus important ! Il en va de même si un membre de la famille est fragile : la vaccination  de l’enfant peut permettre de protéger des proches plus faibles.

Ce qui nous amène naturellement au bénéfice sociétal…
JF : En toute logique, vacciner les enfants pourrait entrainer une moindre circulation du virus et donc, une meilleure protection de la population en général. Maintenant, je veux aussi nuancer fortement l’idée que les écoles sont des accélérateurs de la pandémie : elles sont plutôt un « modèle réduit » de la société qui reflète ce qui se passe ailleurs… Quand le virus a commencé à circuler plus largement dans les classes – quel que soit le variant -, le même phénomène se voyait au sein de la population…

Donc, là encore, le bénéfice sociétal serait moindre ?
JF : Il semble moindre, mais il faut avouer que nous n’avons pas encore assez de recul pour avoir une position tranchée.

Troisième argument, les risques de la vaccination sur la santé de l’enfant…
JF : À cette fin, ce qui se passe aux États-Unis est éclairant. Depuis décembre, on vaccine en masse et même par million. Or, jusqu’à présent, il n’y aucune conséquence fâcheuse qui mériterait de remettre en cause la vaccination.

Pas même des cas de myocardite ?
JF : C’est un bon exemple qui peut mener à la désinformation : on a répertorié aux États- Unis 12 cas… sur plus de 8.6 millions de doses administrées !

Dès lors, si on met dans la balance le bénéfice individuel, le bénéficie sociétal et les risques sur la santé, qu’en conclure ?
JF : Si l’enfant est à risque, par exemple qu’il présente des comorbidités sévères (greffe, dialyse, immunosuppression…), ou encore, si des proches sont fragiles ou à risque, je conseille de faire vacciner l’enfant. Si tel n’est pas le cas, mon but est d’informer les parents et de répondre à leurs questions, il m’importe de leur fournir les dernières données objectives et scientifiques, et, de garder au centre de la discussion la santé de leur enfant. C’est eux qui prendront la décision finale, éclairée par notre entretien. Il n’y a pas une seule bonne ou mauvaise réponse… En aucun cas, je ne veux les influencer car d’autres paramètres sont aussi à prendre en compte, comme la pression sociale qu’ils pourraient subir (par un entourage pro-vax ou anti-vax). Je suis aussi là pour faire retomber l’angoisse et la peur de l’inconnu : en aucun cas, le vaccin ne doit être source d’anxiété