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Biothérapies et maladies inflammatoires

08/12/2022

  • Dr Elisabeth Heuse, Rhumatologue 
  • Dr Benoît Pirotte, Infectiologue
  • Dr Murielle Sabatiello, Dermatologue 
  • Dr Anne Vijverman, Hépato-gastroentérologue 



Les maladies inflammatoires sont très fréquentes et touchent diverses disciplines telles que la gastroentérologie (maladie de crohn et rectocolite hémorragique), la dermatologie (psoriasis, dermatite atopique, urticaire, maladie de Verneuil) et la rhumatologie (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, polyarthrite psoriasique, lupus, vascularites). 

Elles sont le résultat d’un dérèglement du système immunitaire survenant à la faveur de facteurs environnementaux sur un terrain génétiquement prédisposé, avec comme conséquence une augmentation de la production d’une multitude de cytokines pro inflammatoires. 

Ces dernières sont la cible privilégiée des traitements immunorégulateurs et immunomodulateurs dont les biothérapies. Celles-ci sont des traitements utilisant des médicaments biologiques ou biotechnologiques. Ces médicaments sont produits à partir de cellules ou de micro-organismes, et ils ont en général une action plus ciblée que les médicaments conventionnels. Le nombre de molécules disponibles sur le marché est en augmentation croissante. Elles permettent d’obtenir un meilleur contrôle de la pathologie et d’améliorer la qualité de vie des patients mais l’abondance d’informations sur le sujet et le grand nombre de molécules disponibles peuvent être à l’origine de confusion pour le praticien n’ayant pas l’habitude d’utiliser ces traitements. 

Le choix de la molécule et le respect des critères de remboursement dépendent en général de la consultation spécialisée mais le suivi des patients en termes de prévention, gestion des complications et effets secondaires implique et expose quotidiennement le médecin traitant.

L’utilisation de ces divers médicaments est globalement sûre mais peut conduire à de rares effets secondaires potentiellement graves. Le risque infectieux est notamment augmenté pour la plupart des molécules et peut être limité en suivant un schéma de vaccination bien codifié et en réalisant un bilan pré-thérapeutique avant d’introduire le traitement. 

Le bilan pré-thérapeutique consiste systématiquement en la réalisation d’un bilan biologique comprenant au minimum un hémogramme, un bilan hépatique, un ionogramme et un bilan rénal, un dosage de la C-Reactive Protéine, ainsi que les sérologies pour le HIV, les hépatites B et C, le CMV et VZV. Selon le traitement utilisé et le profil du patient, des sérologies complémentaires peuvent être réalisées : rougeole, hépatite A, toxoplasmose, strongyloïdose, fièvre jaune, syphilis… Le dépistage d’une infection latente par Mycobacterium Tuberulosis sera également réalisé. L’INAMI demande, pour ce faire, la réalisation d’une intra-dermo réaction à la tuberculine (test de Mantoux). D’un point de vue médical, le quantiféron pourrait s’y substituer et il est par ailleurs obligatoire de pratiquer une radiographie thoracique. 

Une couverture vaccinale optimale doit être prévue et discutée idéalement, si la situation le permet, avant l’initiation de ce type de traitement. Une consultation dédiée, intitulée “consultation Immuno Start”, a été mise sur pied et a pour objectif d’aider les cliniciens dans la planification des vaccins afin d’obtenir la meilleure réponse vaccinale et la meilleure protection possible. Pour les groupes à risque, les vaccins standards devraient être à jour conformément aux recommandations nationales (grippe, pneumocoque, hépatite B), tout en gardant à l’esprit que les vaccins vivants atténués peuvent être contre-indiqués sous immunosuppresseurs. En effet, il est conseillé d’attendre en moyenne 2 voire 4 semaines entre la réalisation de certains vaccins vivants atténués et l’instauration de l’immunosuppression, mais le timing varie de 1 à 12 mois selon les traitements. Il est donc nécessaire de s’y prendre le plus tôt possible. Une couverture additionnelle est souvent nécessaire dans le cadre de voyages à l’étranger. Des vaccins supplémentaires peuvent être proposés et des doses additionnelles de vaccins sont parfois nécessaires afin d’obtenir une immunité satisfaisante. Après l’instauration de l’immunosuppression, la révision du statut vaccinal reste utile. 

Par ailleurs, le bénéfice attendu du traitement biologique devra être soigneusement pesé chez les patients ayant un antécédent de tumeur maligne. 

Il n’existe pas de recommandation spécifique pour le suivi des patients sous traitement biologique. Nous proposons la réalisation d’un bilan biologique selon la clinique, et systématiquement une fois par an, ainsi qu’une vigilance particulière quant aux symptômes d’infection. Il est également conseillé d’avoir un bilan dermatologique annuel, un suivi gynécologique régulier à titre de dépistage.

La collaboration entre spécialiste et médecin traitant est essentielle. Ce dernier doit être informé de la mise en route de la biothérapie et, si nécessaire, des principales modalités de suivi. Il est également un acteur majeur dans la prise en charge des infections, notamment de la sphère oropharyngée, survenant sous biothérapie et pouvant entraîner un report de l’injection programmée. 

En cas d’intervention chirurgicale, des mesures seront également à prendre, selon le traitement biologique dont bénéficie le patient. 

En annexe, vous trouverez une liste assez exhaustive des molécules disponibles sur le marché et de leurs indications. Les principales biothérapies comprennent notamment les anti-TNF alpha, les anti-interleukines, les anti-intégrines. Les jak kinases inhibiteurs, de par leur mécanisme de production, ne sont pas des biothérapies à proprement parler mais de petites molécules chimiques. La prévention et la surveillance de ces traitements étant la même que les biothérapies, elles ont été inclues dans l’exposé. 

Vous trouverez également quelques points clés et particularités à connaître selon les classes thérapeutiques et des conseils vaccination. 

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Points d’attention clés selon les classes thérapeutiques 

Anti TNF 

_ possible chez la femme enceinte

_ formes injectables IV/SC

_ risque BK

_ pause de traitement si infection active 

_ effets secondaires cutanés fréquents (psoriasis paradoxal, pustulose palmo-plantaire)

_ CI si maladie démyélinisante, néoplasie <5ans, insuffisance cardiaque grade 3 ou 4 de la NYHA

Anti il6 

_ abaissent la CRP à 0 même en cas d’infection concomitante -> importance du suivi clinique

Anti-CD 20 (lymphocytes B)

_ ! pour PR résistante, après au moins un anti-TNF -> risque de syndrome de relargage des cytokines à l’injection

_ risque de neutropénie et infection

_ risque de réactivation HBV et donc intérêt de vacciner + (Ac anti Hbs>100) 

_ Très rare : risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive

Jak inhibiteurs 

_ ES hépatiques (Ci si cirrhose), thromboemboliques

_ risque d’infection à VZV -> sérologie VZV, discuter vaccination

_ perturbation de l’hémogramme et du bilan lipidique

_ induction d’acné

_ CI chez la femme enceinte

Anti Il 17

_ risque candidose orale

Anti Il4/13 

_ risque de conjonctivite

Anti-protéine Blys (facteur de survie des lymphocytes B) 

_ ! rare comportement suicidaire et dépression

Anti-intégrine 

_ bonne tolérance

_ CI si ATCD leucoencéphalite multifocale à virus JC

Inhibiteur de la costimulation (CD80/CD86) du lymphocyte T, anti Il12/23, anti IgE, anti Il 13 

_ peu d’effets secondaires 

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