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Comment annoncer un diagnostic lourd ? Réflexion à partir de cas cliniques

14/10/2021

Dr Frédérique Bustin, Dr Stéphanie Delstanche, Pr Marie-Françoise Dresse, Dr Joëlle Lenaerts, Pr Alain Maertens de Noordhout
 
Cet atelier a pour objectif d’échanger les expériences des orateurs et des participants sur l’annonce de diagnostics lourds. À partir de cas cliniques concrets, les intervenants feront part de leurs expériences et démontreront l’importance de ce moment difficile dans la relation médecin-malade pour la suite de la prise en charge.
 
Les diagnostics lourds peuvent notamment être retrouvés en oncologie, qu’elle soit adulte ou pédiatrique mais aussi en neurologie par exemple.

Tous les intervenants s’entendront pour dire qu’il s’agit d’un exercice difficile.

Ainsi, en neurologie, certaines maladies évoluent lentement avec des traitements possibles et efficaces pendant de nombreuses années. La maladie de Parkinson, fréquente et incurable, a mauvaise réputation auprès du grand public. Pourtant, nous disposons d’un arsenal thérapeutique efficace, qui permet d’assurer au patient une vie sociale et professionnelle riche ; avec pour contrainte de prendre des médicaments fréquemment et à horaires fixes d’une part, et d’autre part de suivre une prise en charge en kinésithérapie, logopédie ou sports adaptés. De cette façon, les patients parkinsoniens ont actuellement une espérance de vie quasi normale ainsi qu’une qualité de vie satisfaisante pendant de longues années.

Malgré cela, l’annonce du diagnostic reste toujours un choc pour le patient et l’entourage. Il faut pourtant instaurer un climat de confiance qui doit rester solide au fil des années afin de faire face aux complications tardives lorsqu’elles surviennent (démence, chutes, blocages, perte d’autonomie). Fort heureusement, dans cette situation, l’évolution laisse le temps de construire cette relation de confiance, contrairement à ce que l’on rencontre dans le cas de la sclérose latérale amyotrophique ou maladie de Charcot ; de pronostic redoutable.

Dans ce cas, il n’y a pas de marqueur diagnostique spécifique. Cela laisse parfois planer un doute pendant quelques mois quant au diagnostic définitif. Cette situation est très difficile à vivre pour le patient et son entourage qui peuvent se montrer très insistants pour obtenir des certitudes auprès du médecin. Cela est d’autant plus renforcé par les informations disponibles sur Internet. Alors que l’honnêteté commande de dire « je ne sais pas encore », il est indispensable de prendre le temps d’expliquer les raisons de cette incertitude afin d’éviter de perdre le patient de vue et de permettre la création d’un climat de confiance, nécessaire au suivi ultérieur.

Lors de ces annonces diagnostiques, il faut aussi entretenir un certain espoir suite aux formes moins agressives de la maladie ; mais décourager le recours aux escrocs qui profitent de la détresse des patients pour proposer des traitements farfelus, d’autant plus inefficaces qu’ils sont onéreux.

En oncologie, l’annonce d’un diagnostic lourd prend aussi tout son sens dès la prise en charge du patient. L’histoire naturelle du cancer nécessite, hélas, des discussions éthiques avec le patient et sa famille à plusieurs reprises et ce, pendant toute la durée du suivi.

Non seulement le premier contact s’avère souvent douloureux, mais il y a aussi une répétition de consultations d’annonce qui rendent la relation médecin-malade complexe et riche à la fois.

En oncologie pédiatrique, malgré les progrès des dernières années permettant une guérison dans 80% des cas, un cancer reste une maladie grave et potentiellement mortelle. Ainsi, la mort de l’enfant est, par la seule évocation du diagnostic, fantasmée en un éclair par les parents, avec la vision en amont du spectre insupportable de la souffrance due à la maladie et aux traitements.

Lors de cette première annonce, le médecin ne peut affirmer que les traitements modernes viendront à bout du cancer. Tout au plus peut-il garantir que tout sera mis en œuvre à cet effet : l’intention de traiter et de guérir sera partagée par l’ensemble de l’équipe traitante à qui l’enfant et sa famille seront confiés.

Il n’en reste pas moins que l’annonce du cancer et de tout le programme thérapeutique que ce diagnostic implique va bouleverser le vécu du temps de l’enfant et de sa famille. Cette irruption de la menace de mort rejette au second plan le déploiement naturel de l’enfant d’un passé vers un avenir et le contraint, comme ses parents, à une vie entièrement confinée au présent, « au jour le jour ».

En définitive, l’annonce, moment crucial de l’entrée en relation, ne saurait se borner à la délivrance d’une lourde information au patient. Au-delà du devoir d’informer, elle représente le moment constitutif d’une relation qui engage le médecin traitant à un accompagnement approprié de l’enfant et de sa famille.
Dans tous les cas, notre formation professionnelle ne nous prépare pas à la violence de l’annonce diagnostique. Notre expérience et nos erreurs de communication antérieures nous permettent d’essayer, au mieux, d’accompagner notre patient et ses proches du diagnostic à la fin du traitement, voir au décès de celui-ci.

Il n’y a donc pas de façon adéquate, ou de schéma pour prendre en charge une personne malade. Il y a juste un cheminement commun entre un ou des professionnels de la santé et un patient et son entourage.
Rester à l’écoute et disponible pour répondre aux interrogations du malade et de ses proches est aussi crucial pour tisser ce lien de confiance indispensable dans le cadre du suivi. Il est aussi primordial de rester compréhensif devant les accès de révolte, qui font partie du cheminement du patient, auxquels nous sommes parfois confrontés.