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Intégration de la préservation d’organe dans la stratégie de prise en charge du cancer du rectum

13/12/2022

  • Dr Damien Dresse, Chef de service, Chirurgie abdominale, sénologique et endocrine
  • Dr Laurent Médart, Chef de service adjoint, Imagerie médicale
  • Dr André Frère, Chef de service, Gastroentérologie et Oncologie digestive


Au cours de ces 40 dernières années, la prise en charge des cancers du rectum a radicalement évolué. Historiquement, le problème principal était un taux de récidive locale de plus de 30 %. L’évolution de la prise en charge multidisciplinaire qui a associé une technique chirurgicale standardisée et un traitement néoadjuvant de radio(-chimio)thérapie a réduit ce taux à moins de 5 % avec pour effet secondaire une altération de la qualité de vie des patients.

Actuellement, la stratégie de préservation de l’organe chez les patients ayant complètement répondu au traitement néoadjuvant fait partie de notre stratégie thérapeutique permettant la guérison du patient sans altérer sa qualité de vie.
 

En Belgique, l’incidence du cancer du rectum (1.250 cas /an) est stable même si l’on note une diminution de l’âge de survenue avec des patients de moins de 50 ans.

Toute perte de sang ou test IFOB positif doit conduire à une consultation en gastro-entérologie rapide pour la recherche par coloscopie d’une lésion colorectale.

Le bilan de la tumeur rectale, qui est coordonné par le gastro-entérologue, comprend l’évaluation clinique par le toucher rectal, une confirmation anatomopathologique par une biopsie, un dosage du CEA et CA 19.9 et une IRM du pelvis qui est l’examen essentiel pour l’évaluation de l’extension transpariétale “T”, la présence d’envahissement ganglionnaire “N”, envahissement veineux et de l’atteinte de la limite circonférentielle du mésorectum. Une écho-endoscopie pour les lésions de stade T1 ou T2 peut-être réalisée.

Le bilan à distance “M” comprendra un CT-scanner thoracoabdominal et éventuellement un PET scanner en cas de doute.

Sur base de l’ensemble de ce bilan et de l’état clinique du patient, une stratégie de prise en charge thérapeutique sera discutée à la concertation multidisciplinaire d’oncologie digestive.

La stratégie a beaucoup évolué ces dernières années et impose une connaissance des publications récentes tout en tenant compte de la réalité des contraintes législatives de remboursement des traitements.
 

Ci-dessous, l’historique des traitements avec l’incidence sur la récidive locale : 

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Par ailleurs, plusieurs études publiées récemment (Rapido et Prodige 23) dont le but a été atteint, ont démontré une amélioration de la survie par une diminution du taux de métastases en modifiant les schémas de chimiothérapie tant dans leur timing que dans l’association des cytotoxques. L’analyse des pièces opératoires a mis en évidence des réponses tumorales complètes dans 28 % des cas malgré le fait qu’il s’agissait de grosses tumeurs au moment du diagnostic.

En parallèle, en 2004, l’équipe brésilienne du Dr Angelina Habr-Gama a publié les résultats de suivi de patients avec un cancer du rectum ayant complètement répondu au traitement néoadjuvant par radiochimiothérapie. Ces résultats ont été confirmés en 2011 par l’équipe hollandaise du Docteur G. Beets, ouvrant la voie à une approche de conservation d’organe avec une stratégie de surveillance rapprochée selon le protocole watch & wait.

Dans notre pratique quotidienne, nous revoyons le patient pour son suivi oncologique durant plusieurs années. Une fois le résultat des examens de contrôle donné au patient, la problématique qui domine l’anamnèse est l’altération de la qualité de vie qui résulte du syndrome de résection antérieure du rectum.

Ce syndrome associant des urgences défécatoires, un fractionnement des selles et un certain degré d’incontinence, son degré d’expression est variable d’un patient à l’autre mais quasi toujours présent et responsable d’une altération significative de la qualité de vie.

 

 

Take home messages :

_ Le dépistage du cancer colorectal doit être encouragé 

_ Toute perte de sang par les selles ne doit pas être minimisée et doit faire l’objet d’une consultation rapide chez un gastro-entérologue

_ La stratégie thérapeutique doit être discutée en concertation multidisciplinaire d’oncologie digestive sur base d’un bilan complet et comprendra le plus souvent un traitement néoadjuvant de radio-chimiothérapie

_ Une réévaluation complète huit semaines après la fin du traitement néoadjuvant doit être systématique et permettra d’adapter la prise en charge

_ Une stratégie de préservation d’organe peut être proposée aux patients présentant une réponse tumorale complète en veillant à bien les informer de la nécessité d’un suivi rapproché 

 

Tout ceci nous a conduit à mettre en place toutes les stratégies d’amélioration de la qualité de vie des patients en intégrant la réhabilitation chirurgicale améliorée, la chirurgie minimale invasive robotique, la fermeture à deux semaines de l’iléostomie de dérivation et depuis six ans la préservation d’organe lors de la réponse tumorale complète.

Huit semaines après la fin du traitement néoadjuvant, une réévaluation comprenant un toucher rectal, une rectoscopie, une écho-endoscopie et une IRM du pelvis permet d’adapter la suite de la prise en charge en fonction de la réponse tumorale.

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La balance est faite entre le risque oncologique afin de ne pas perdre de chance de guérison et le risque d’altération de la qualité de vie par les séquelles fonctionnelles.

Ces décisions font l’objet d’une décision partagée lors d’une concertation multidisciplinaire d’oncologie digestive qui regroupe de façon hebdomadaire l’ensemble des prestataires qui prennent en charge le patient et son entourage. 

L’infirmière de coordination des soins oncologiques, la psychologue, les gastro-entérologues, les radiologues digestifs, l’anatomo-pathologiste, le biologiste clinique, les chirurgiens et le médecin traitant sont à l’écoute du patient pour l’informer et tenir compte de ses souhaits de prise en charge.