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La chirurgie pédiatrique et la médecine foetale

21/02/2021

Dr M. Demarche et Dr V. Verdin
 

L’amélioration des techniques de dépistage anténatal (DAN) nous permet de diagnostiquer avec une précision croissante des malformations cervicales, thoraciques (médiastinales ou pulmonaires) et abdominales (pariétales ou viscérales) susceptibles de conduire à une intervention chirurgicale plus ou moins urgente après la naissance. Nous avons choisi d’illustrer l’apport du Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal (CPDPN) avec l’exemple d’un foetus porteur d’un laparoschisis (figure 1).

Cette pathologie rare (1/ 5000 naissances en Europe) est caractérisée par l’issue de viscères hors de l’abdomen foetal, sans sac, le plus souvent au bord latéral droit de l’ombilic. Il s’agit d’un défaut de la croissance embryonnaire et les malformations associées sont exceptionnelles. L’anse digestive herniée peut cependant être le siège d’une inflammation (périviscérite) plus ou moins importante ou présenter des complications parfois difficiles à suspecter avant la naissance. Celles-ci sont en relation probable avec un défaut de vascularisation mésentérique liée à l’étroitesse du collet et au contact des anses avec le liquide amniotique. Ainsi l’apparition au fil de la grossesse d’anses dilatées fait suspecter une obstruction dont le caractère « complet » correspond à une atrésie qui ne se rencontre que dans moins de 10 % des cas (figure 2). La mise en évidence d’un oligoamnios (quantité trop faible de liquide amniotique) ou d’un liquide amniotique trouble peut conduire à la réalisation prénatale d’amnio-infusions limitant le risque de lésions intestinales associées. Le laparoschisis étant régulièrement associé à un certain degré de prématurité, l’administration d’une corticothérapie à la maman de façon à « maturer » la fonction pulmonaire du foetus est régulièrement envisagée. Ce traitement par son caractère anti-inflammatoire puissant limiterait peut-être les lésions intestinales. Ces grossesses à risque font l’objet d’un suivi rapproché.

L’accouchement par voie basse reste optimal malgré le défaut de fermeture pariétale et la césarienne n’est envisagée qu’aux cas par cas chez ces jeunes mamans souvent primipares.

À la naissance, l’enfant est pris en charge immédiatement par les néonatologues présents en salle d’accouchement. Il est placé dans deux sachets stériles serrés à la taille de l’enfant respectivement au-dessus et sous l’orifice permettant ainsi d’isoler les viscères des urines et des selles et de limiter le refroidissement par évaporation. L’enfant est installé en position latérale droite ou des dispositifs sont utilisés de façon à limiter les tractions mésentériques excessives, source de douleurs. Une voie d’accès vasculaire est rapidement posée ainsi qu’une sonde gastrique en décharge (figure 3).

L’intervention chirurgicale est alors réalisée. Le scénario idéal correspond à la réintégration des viscères avec fermeture de la paroi en première intention autour des éléments du cordon ombilical conservé (figure 4). Lorsque la périviscérite est trop importante, la fermeture en un temps n’est pas possible sans générer une pression abdominale excessive délétère au bon fonctionnement des autres systèmes (pulmonaire, rénal, hépatique, intestinal …). Un « silo » temporaire est alors confectionné, suivi d’une réintégration différée dans la semaine qui suit (figure 5). Toute anomalie associée est repérée et corrigée, comme l’atrésie discutée au préalable. Dans ce cas particulier, le rétablissement de continuité n’est réalisé que si l’état de l’intestin l’autorise. D’autres fois encore, une petite prothèse est utilisée recouverte par la peau plus extensible que la paroi. Son retrait non systématique sera parfois réalisé à plusieurs années de distance.

L’évolution de ces bébés est dépendante de la longueur de l’ileus postopératoire parfois prolongé notamment en cas d’inflammation importante. L’alimentation sera assurée dans l’intervalle par voie parentérale totale, elle-même grevée de son lot de complications potentielles à court, moyen et long terme : difficulté des accès vasculaires, risque d’infection, dégradation de la fonction hépatique...

Dans la grande majorité des cas, l’évolution est favorable avec reprise d’une alimentation orale et entérale progressives. Les mamans sont chaudement encouragées à allaiter leur bébé malgré le délai de plusieurs semaines possible avant la reprise d’un transit efficace. Les difficultés d’alimentation peuvent être aggravées par un reflux gastro-oesophagien particulièrement fréquent dans ces conditions. À terme, la plupart de ces enfants ont un pronostic excellent (figure 6).

Tous ces problèmes font l’objet de larges explications préalables permettant ainsi d’aménager au mieux la naissance et le retour au domicile différé du bébé et de sa maman. La question systématiquement posée par les futurs parents est la longueur du séjour hospitalier éminemment variable. Il nous appartient d’apporter les arguments pour traduire notre incapacité à répondre de façon précise à cette interrogation pourtant tellement légitime.

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Figure 1

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Figure 2

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Figure 3

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Figure 4

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Figure 5

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Figure 6