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Suivi de grossesse : la complémentarité entre le gynécologue, le médecin généraliste et la sage-femme

15/10/2021

Dr Géraldine Brichant, Dr Frédéric Chantraine, Jérôme de Marchin, Dr Vincianne Thielen, Dr Véronique Masson, Honestina Perez Menendez


Lors de cet atelier trois sujets d’actualité dans le suivi d’une grossesse seront abordés : le dépistage du diabète gestationnel, le dépistage de la pré-éclampsie et le suivi biologique de la femme enceinte. On se fera un plaisir de discuter des nouveautés de ces trois grands chapitres dans le suivi de la grossesse et de l’intérêt de la multidisciplinarité entre médecin et sage-femme.

 

Le diabète gestationnel


Le diabète gestationnel (DG) est un trouble de l’équilibre glycémique survenant durant la grossesse. Il est le plus souvent diagnostiqué au début du 3ème trimestre et peut être responsable de complications fœto-maternelles (GGOLFB, 2017).

Le diabète gestationnel englobe les diabètes de type 2 méconnus et les diabètes gestationnels que la grossesse va révéler. Cette pathologie concerne 7,8% (CEpiP Wallonie 2014) à 9,3% (CEpiP Bxl 2014) des femmes enceintes dans notre pays.

Les risques liés au DG sont corrélés à la sévérité de l’hyperglycémie.


Risques et complications

Risques pour la mère

Les patientes présentant un diabète présentent un risque accru d’HTA gestationnelle, de pré-éclampsie(1, 2). Le travail d’accouchement peut être plus long et les dystocies sont plus fréquentes. Il faut aussi noter un Caractéristique risque accru d’hémorragie du post-partum.

À long terme, en cas de diabète gestationnel, ces patientes présentent un risque de 50-60% de développer un diabète non-insulinodépendant dans les 5-10 ans. Ce risque supplémentaire est encore présent > 25 ans après la grossesse et mérite d’être surveillé par un dépistage régulier du diabète de type 2, idéalement annuel. Elles sont également plus à risque de développer des pathologies cardio-vasculaires, un syndrome métabolique et une obésité.


Risques pour le fœtus

Les risques fœtaux sont différents en fonction du terme de la grossesse.
  • Premier trimestre
Le 1er trimestre est celui de l’organogenèse. Il existe entre 5-20% de risque de malformations cardio-vasculaires et squelettiques(2).
  • Deuxième trimestre
Une toxicité neurogénique peut être importante au 2ème trimestre et les fœtus peuvent présenter une réduction de la croissance axonale.
  • Troisième trimestre
Les risques principaux seront une hyperplacentose, une macrosomie, un hydramnios. Il faut noter que certains fœtus présenteront plutôt un retard de croissance intra-utérin suite à une réduction de l’angiogenèse et de la croissance placentaire.
  • Accouchement et naissance
La macrosomie augmente le risque de dystocie des épaules et les atteintes du plexus brachiale qui peuvent y être associées. Le manque de maturation fœtale entraîne un risque accru de maladies à membranes hyalines. Finalement, les hyperglycémies maternelles peuvent provoquer un risque d’hypoglycémie et hypocalcémie néonatales potentiellement sévères et délétères.
  • Risques à long terme
Ces enfants présentent un risque accru de diabète non-insulinodépendant, de pathologies cardio-vasculaires, d’obésité ou syndrome métabolique à l’âge adulte(3).

 

Prise en charge

La prise en charge consiste en la mise en place d’une autosurveillance glycémique. Le premier traitement consiste en la mise en place d’une alimentation variée et équilibrée. Si cela s’avère insuffisant, une insulinothérapie sera nécessaire pour atteindre les objectifs glycémiques. Dans certains cas, notamment en cas d’insulinorésistance importante ou de prise de poids excessive chez une patiente atteinte de diabète gestationnel, la metformine peut être envisagée.


Conclusion

Le diabète gestationnel est en recrudescence dans nos populations et cette tendance est en partie liée à l’évolution de nos habitudes alimentaires et à la sédentarité croissante. Une prise en charge précoce, idéalement en préconceptionnel en cas de facteurs de risque de diabète de type 2, est nécessaire afin d’éviter les complications materno-fœtales immédiates et à long terme. Une collaboration étroite entre le médecin traitant, le diabétologue, l’obstétricien et la sage-femme est absolument nécessaire.


Dépistage et mise au point de la pré-éclampsie en 2021


La pré-éclampsie est une maladie liée à la grossesse, qui touche 3 à 5% des femmes enceintes. Elle se définit par une hypertension artérielle (> 140/ 90 mmHg au repos) associée à une protéinurie significative ou à d’autres critères en absence d’une protéinurie (par exemple une thrombopénie, une insuffisance rénale ou une dysfonction hépatique).

Cette maladie cause une morbidité et même mortalité materno-fœtale élevée. Un dépistage précoce peut réduire son indice par un traitement « simple » et un dépistage tardif peut orienter la femme enceinte vers une prise en charge optimale.


Dépistage du risque de pré-éclampsie au 1er trimestre


Des données scientifiques récentes et robustes ont démontré qu’on peut diminuer l’incidence de la pré-éclampsie chez les femmes à risque en introduisant avant 16 semaines d’aménorrhée un traitement par Aspirine (acide acétylsalicylique, 100-150mg/j)(1).

Au CHR de la Citadelle, cet examen de dépistage de la pré-éclampsie est proposé aux femmes enceintes lors de la visite échographique du 1er trimestre (11-13+6 semaines d’aménorrhée).

Pour ce dépistage, les informations suivantes sont collectées : prise de la tension artérielle, mesure de la résistance des artères utérines par Doppler et le dosage du PlGF (Placental Growth Factor).

Sur base de ces données, un algorithme conclut à un risque faible ou élevé de développer cette maladie. En cas de risque élevé est proposé le traitement par Aspirine. Cette prise en charge est supportée par la FIGO (Fédération Internationale de Gynécologie Obstétrique)(2).


Stratification du risque de pré-éclampsie aux 2ème et 3ème trimestres


Dans le développement de la pré-éclampsie, est connu le rôle clé du déséquilibre de la balance angiogénique entre le récepteur soluble au VEGF (sFlt-1) et le PlGF. Cela se traduit dans la circulation maternelle par une augmentation importante des concentrations de sFlt-1 et un effondrement des concentrations de PlGF. Ce ratio sFlt-1/PlGF est de plus en plus étudié et aussi accepté comme marqueur de dépistage ou outil de diagnostic de la pré-éclampsie.

En 2016, l’étude PROGNOSIS (Predictive Value of the sFlt-1/PlGF Ratio in Women with Suspected Preeclampsia), à laquelle avait participé activement le service universitaire de gynécologie-obstétrique du CHR de la Citadelle, fut la première grande étude (essai prospectif multicentrique observationnel incluant 1.273 femmes enceintes) à évaluer la performance prédictive à court terme (1 à 4 semaines) du ratio sFlt-1/PlGF dans le sérum des patientes présentant une suspicion clinique de pré- éclampsie entre 24 et 37 SA. Cette étude a montré qu’un ratio < 38 permet d’exclure la survenue d’une pré-éclampsie dans la semaine qui suit le dosage avec une excellente valeur prédictive négative (99,3 %). Un ratio > 38 renforce la probabilité de survenue d’une pré-éclampsie avec cependant une valeur prédictive positive modérée de 36,7% à 4 semaines(3, 4).

Le ratio sFlt-1/PlGF s’est également montré intéressant pour le diagnostic de pré-éclampsie en utilisant les seuils de > 85 (avant 34 SA, pré-éclampsie précoce) et > 110 (après 34 SA, pré-éclampsie tardive)(5).

Depuis maintenant plusieurs années le ratio sFlt-1/PlGF fait partie des outils de mise au point d’une pré-éclampsie au CHR de la Citadelle(6). Le service universitaire de gynécologie-obstétrique et le service de biologie clinique continuent à participer activement à des études cliniques internationales dans le domaine de la pré-éclampsie et du ratio sFlt-1/PlGF.

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Suivi biologique de la femme enceinte


Le suivi biologique de la femme enceinte vous est proposé cette brochure.


Références
Diabète gestationnel
  1. Castillo-Castrejon, M. ; Powell, T. L., Placental Nutrient Transport in Gestational Diabetic Pregnancies. Frontiers in Endocrinology 2017, 8 (306).
  2. Howell, K. R. ; Powell, T. L., Effects of maternal obesity on placental function and fetal development. Reproduction 2017, 153 (3), R97-R108.
  3. Alejandro, E. U. ; Mamerto, T. P. ; Chung, G. ; Villavieja, A. ; Gaus, N. L. ; Morgan, E. ; Pineda-Cortel, M. R. B., Gestational Diabetes Mellitus : A Harbinger of the Vicious Cycle of Diabetes. International journal of molecular sciences 2020, 21 (14).
Pré-éclampsie
  1. Rolnik DL, Wright D, Poon LC, O’Gorman N, Syngelaki A, de Paco Matallana C, et al. Aspirin versus Placebo in Pregnancies at High Risk for Preterm Preeclampsia. N Engl J Med. 2017 ;377(7) :613-22.
  2. Poon LC, Shennan A, Hyett JA, Kapur A, Hadar E, Divakar H, et al. The International Federation of Gynecology and Obstetrics (FIGO) initiative on pre-eclampsia : A pragmatic guide for first-trimester screening and prevention. Int J Gynaecol Obstet. 2019 ;145 Suppl 1 :1-33.
  3. Zeisler H, Llurba E, Chantraine F, Vatish M, Staff AC, Sennstrom M, et al. Soluble fms-Like Tyrosine Kinase-1-to-Placental Growth Factor Ratio and Time to Delivery in Women With Suspected Preeclampsia. Obstet Gynecol. 2016 ;128(2) :261-9.
  4. Zeisler H, Llurba E, Chantraine FJ, Vatish M, Staff AC, Sennstrom M, et al. Soluble fms-like tyrosine kinase-1 to placental growth factor ratio : ruling out pre-eclampsia for up to 4 weeks and value of retesting. Ultrasound Obstet Gynecol. 2019 ;53(3) :367-75.
  5. tepan H, Herraiz I, Schlembach D, Verlohren S, Brennecke S, Chantraine F, et al. Implementation of the sFlt-1/PlGF ratio for prediction and diagnosis of pre-eclampsia in singleton pregnancy : implications for clinical practice. Ultrasound Obstet Gynecol. 2015 ;45(3) :241-6.
  6. Verbeurgt L, Chantraine F, De Marchin J, Minon JM, Nisolle M. [Use of sFlt-1/PlGF ratio in preeclampsia : a monocentric retrospective analysis]. Rev Med Liege. 2017 ;72(9) :393-8.